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Une monnaie complémentaire ! Quel peut bien en être l’intérêt ? Améliorer le sort des plus bas revenus ? Il est certain que les monnaie complémentaires sont apparues (je devrais dire ré-apparues, car elles étaient courantes au moyen âge) lors de la grande crise de 1929. L’argent était remisé dans les bas de laine pour parer au plus grave et ne circulait donc plus dans la société, ce qui aggravait les choses. Plus près de nous, ce fut la bouée de sauvetage de millions d’Argentins lorsque, du jour au lendemain, ils n’eurent plus accès à leur compte en banque.

Mais ne nous y trompons pas. Le courant des monnaies complémentaires qui grossit dans le monde entier est la marque d’une profonde évolution des consciences. Depuis la chute du mur de Berlin, le capitalisme, tel un boxeur ayant mis KO son adversaire, est resté seul, triomphant sur le ring. La route était enfin dégagée et le rêve américain allait pouvoir se réaliser, s’imposer au monde entier et faire de tous les jours Noël. La croissance, favorisée par les dérèglementations, la libre circulation des biens et des capitaux, la libre concurrence, allaient tirer le monde vers l’excellence et la prospérité pour tous. 20 ans se sont écoulés et le rêve américain est devenu un cauchemar, en premier pour les américains eux-mêmes. Ce XXIème siècle est né au milieu d’un ensemble de crises qui s’emboîtent les unes dans les autres à la façon d’une poupée russe: Crise de la pauvreté, crise alimentaire, crise énergétique, crise climatique, crise économique et financière, crise de l’emploi… L’humanité est atteinte d’un cancer généralisé.

D’un côté reste le système dominant. Moribond tenu artificiellement en vie sous respirateur artificiel du « quantitative easing » (assouplissement quantitatif qui consiste à injecter des milliards dans le système), entouré d’experts les yeux rivés sur le moniteur de la croissance ; de l’autre des citoyens de plus en plus nombreux qui dénoncent l’illusion. Ces citoyens ont compris ou sont en train de comprendre que le bonheur est dans le respect de la vie et dans le tissage minutieux des liens qui nous y relient.

Étonnamment, la monnaie, le plus souvent considérée comme le bouc émissaire des tous nos maux, devient l’outil de cette réconciliation. Donner de la valeur à la richesse qui existe là, à notre porte; encourager sa reconnaissance; découvrir les gens que l’on côtoyait hier sans les voir, en favorisant l’échange local; redonner du sens à nos activités; traduire symboliquement les valeurs humaines économiques et sociales que l’on a envie de voir grandir dans la société; voilà la véritable trame de ces petits billets aux noms évocateurs de « Mesure », « d’Abeille », « Luciole » et autres « ÉcHos » qui passent de main en main pour acheter biens et services, sans doute, mais pour incarner nos espoirs, surtout.

Certains, toutefois, pourraient voir dans ces expériences un élan moins noble que ce qui est dit ici. Ils pourraient percevoir une tendance au repli sur soi, si spontanée lorsque l’individu se sent en danger. Or nous vivons une époque de transition particulièrement dangereuse… Laissons l’histoire révéler qui de la peur ou de la confiance aura été aux commandes. Pour l’heure, je ne peux que me réjouir de l’enthousiasme et de la vision que portent les groupes pionniers. Et s’il est une marque d’ouverture, au contraire, c’est probablement cette troisième rencontre nationale des acteurs et porteurs de projets qui se tiendra les 18 et 19 juin à Romans sur Isère; moment privilégié où chacun fait bénéficier les autres de sa propre expérience, où se tisse une toile plus vaste de solidarité et d’humanité.